L'histoire de mon TEF

 

L'histoire de mon tracteur commence par l'histoire d'une maison, d'une très vieille maison en Lorraine (d'aucuns prétendent qu'elle date d'avant la guerre de trente ans 1618-1648 qui a fait de gros ravages dans la région.) Cette maison familiale du côté de mon épouse en a vu et connu au cours de ces presque quatre cents dernières années, mais surtout elle n'a été occupée que par de modestes métayers et paysans, besogneux certes, mais sans beaucoup de moyens. C'est la maison natale de mon beau père qui y a vécu toute sa jeunesse avec sa mère et son oncle qui exerçait la profession de vacher.

Parti travailler en ville, comme beaucoup d'autres, il hérita de cette propriété en piteux état à la fin des années soixante. Le premier hiver fut d'ailleurs fatal à la grange mitoyenne qui s'écroula un matin, sans crier gare  ! C'est à cette époque qu'à Strasbourg, je fis connaissance de ma future épouse, de mon futur beau père et de la maison…Henri, mon beau père, était très bricoleur. Il la retapa pour la rendre habitable et réalisa l'adduction d'eau…avant, il fallait aller au puits, fit brancher l'électricité de façon sommaire, installa un WC à l'intérieur…le début du confort quoi. Entourée de près et de vergers, surplombant un petit ruisseau à la sortie du village, cette maison bénéficie d'une situation très agréable et nous y sommes allés souvent ,en mobylette tout d'abord ( 100 km, c'était le bout de monde !) pour fêter nos 18 ans, puis en voiture dès que le premier d'entre nous eut son permis pour aller au bal, bringuer loin des parents, des voisins, c'était le paradis en quelque sorte .

Mon beau père entretenait également les abords, c'était une vraie force de la nature : levé des 5 heures du matin, il fauchait les prés à la main, désherbait à la faucille, taillait les fruitiers à la main, cultivait son grand potager à la main tant et si bien qu'un soir, très jeune encore, il partit pour toujours…une truelle à la main.Lié à cette maison depuis l'adolescence, il n'était pas question de la laisser tomber en ruine. D'ailleurs, sans que personne ne me demande quoi que ce soit, j'ai senti quelque part qu'il m'incombait maintenant de prendre la relève et de préserver ce morceau de patrimoine. Mais contrairement à Henri, moi avec une faux dans la main, ça le fait pas trop. J'ai bien essayé de faucher à la main , dans la rosée du petit matin, plein d'enthousiasme… mais si Hubert, un solide gars du coin n'était pas venu à mon secours, je crois que j'y serais encore…sans parler des railleries des agriculteurs du coin qui contenaient difficilement leurs rires en me voyant ainsi à la peine, eux qui passaient assis tranquille sur leur gros tracteur.

 

UN TRACTEUR, VOILA CE QU'IL ME FALLAIT ! Mais là, franchement, c'était trop d'un coup, je n'y connaissait rien, mais alors rien de rien !

J'ai donc décidé de commencer en miniature, avec un tracteur tondeuse. Bien entendu, le pauvre Briggs & Stratton de 10cv ne passe pas quand l'herbe est haute. Je m'en doutais et fis également l'acquisition, d'une bonne débroussailleuse thermique ainsi que d'une petite tondeuse solide. C'est avec le XXI° siècle qu'est arrivé le début de la mécanisation dans cette ferme. A en croire les anciens qui connaissaient bien cette maison, c'était bien la première fois que de tels engins étaient entreposés dans la grange. J'avais bien trouvé quelques éléments de harnachement pour bœufs et chevaux, mais aucune trace de machine. Des remorques et autres tombereaux qui avaient du existé sur le site, il ne restait plus que quelques roues en bois, rien qui soit exploitable.

L'histoire aurait pu s'arrêter là car il y avait maintenant à Hellering tous les outils qu'il fallait à un gars de la ville qui vient " jouer "au paysan quelques fins de semaine par an, mais c'était sans compter le passage de quelques bandits de grand chemin qui n'ont eu aucune difficulté à vider cette maison un peu isolée à plusieurs reprises, sans compter non plus les petits vergers familiaux laissés à l'abandon depuis plus de 15 ans et qui ressemblaient bien plus à une friche qu'à tout autre chose.

Le matériel fut racheté petit à petit. Connaissant le prix de ces engins et le montant ridicule des indemnisations des assurances, j'ai opté pour du matériel d'occasion. Un motoculteur et une faucheuse tout d'abord, puis une nouvelle débroussailleuse, car ces machines sont indispensables pour qui veut exécuter un travail propre. Qui dit occasion, sous entend des ennuis mécaniques… je m'y attendais un peu. Ce fut pour moi l'occasion de réviser le peu que je savais et que j'avais appris dans ma jeunesse avec mes copains. Quelques expériences de Solex et de Mob, puis de ma première voiture, une 2CV que j'avais complètement désossée et refaite avant de l'utiliser pendant de nombreuses années sans l'amener une seule fois au garage…( je sens monter un peu de fierté à l'énoncé de cette dernière phrase mais ne puis m'empêcher de la laisser dans ce récit car c'est vraisemblablement ce fait qui me décida à franchir l'étape suivante)

A l'évidence, ces machines, certes maniables mais trop petites, n'étaient pas dimensionnées pour le travail demandé. C'était bien un tracteur qu'il me fallait, pour transporter l'herbe, le foin, les branchages et autres déchets verts, pour faucher également, pour véhiculer le bois. Que d'utilisations vous viennent à l'esprit soudain, justifiant au besoin une folie ( un caprice ?) que personne dans mon entourage ne comprenait et ne comprend probablement pas encore aujourd'hui !

Cela faisait un moment que l'idée me trottait dans la tête et j'avais repéré dès l'année 2000 un beau LANZ bien entretenu. Il tournait de temps à autres dans le village et son gros bruit de monocylindre était reconnaissable de loin. Il appartenait d'ailleurs à un copain de Henri. Il me plaisait bien et j'ai essayé de l'acheter, mais il n'était pas à vendre, son propriétaire y était sentimentalement très attaché ! Trois mois après, il était parti aux mains d'un Hollandais qui avait su être plus persuasif que moi ….une grosse poignée de billets fait plus qu'un beau discours…… Cela me servira de leçon !

J'avais également un faible pour un petit FENDT, un DieselRoss qui était remisé sous un hangar et que j'inspectais à chacune de mes balades dans le coin. Il était entier, de 1957 avec une faucheuse latérale et un relevage, l'idéal en quelque sorte. Il ne bougeait pas beaucoup, mais semblait complet…le redémarrage pourrait être facile Renseignements pris, cela fait des années que le propriétaire le gardait tel quel, en réserve de pièces pour un autre FENDT qu'il avait restauré. Et là….rien à faire….il ne vend pas !

Ayant épuisé les ressources de proximité, je fis le tour des concessionnaires, à la recherche d'un RENAULT D22 ou D35 avec un moteur MWM refroidi à air qui ne poserait pas de problème pour l'hivernage dans la grange. Je cherchais également un MF 35 qui me plaisait bien, surtout depuis que je l'avais vu sur le site de Richard Leroy sur Internet. Là, je savais qu'il y avait des pièces, de la documentation ,et de plus, le site était fort explicite sur les différents points à vérifier avant l'acquisition. Je partais un peu moins démuni dans ma totale ignorance du monde des tracteurs agricoles. En fait, les tarifs pratiqués chez les professionnels s'avèrent souvent très fantaisistes, allant de 2000 € pour une quasi épave à 5000€ pour un tracteur sommairement restauré…épaisse couche de peinture et on ne voit plus guère ce qu'il y a dessous…mais tout est en ordre dixit le maquignon.

Avec le temps, ce qui devait arriver arriva. Début février 2004, répondant à une annonce sur le net, je descendis à Preuchsdorf, petit village au Nord de l'Alsace pour voir un MF 35 en bon état, de 1955, mon année de naissance !. J'ai tiqué un peu sur le millésime mais, arrivé sur place, je me trouvai devant un TEF20 peint aux couleurs d'un FF30. Tout cela ,je ne le savais pas encore.Il faisait –5°C dehors, l'engin est là , crotté, dans son jus mais pas trop pris par la rouille ; il avait du séjourné à l'abri la majeure partie du dernier demi siècle car il avait pratiquement 50 ans, le bougre ! Le bourrin démarre, facile, les vitesses passent, le relevage et la prise de force fonctionnent et je craque 

!Et je ne regrette rien, pas mon TEUF qui démarre vaillament à la première sollicitation, et c'est ce que je lui demande actuellement et surtout pas d'avoir fait VOTRE connaissance,

Vous, cette d'une bande d'allumés des p'tits gris !

Vous qui me faites passer des nuits blanches sur le PC pour recenser tous ces Ferguson, et il en y a ! ! !

Vous qui me pousser à une copieuse prise de tête pour reprendre un programme afin qu'il vous convienne.

Vous qui me faites regarder la campagne plutôt que la route lorsque je conduis afin de débusquer ce TEA, ce TEF, ce FF 30 abandonné au fond d'une ferme, au coin d'un champ !

Vous qui me dévoilez les entrailles de ma machine …et que j'en apprends toujours et toujours.Vous qui m'offrez un réel moment de plaisir quotidien lorsque je clique sur ForumFerguson et qu'il y a du nouveau 

!Mon TEF, je n'envisage pas de le restaurer, pas encore ! J'en ai trop besoin réellement et psychologiquement. Au jour d'aujourd'hui, je ne peux me faire à l'idée de le voir en pièces pendant un voire deux ans car je sais maintenant qu'il faudra du temps. Trop frustrant. Il m'en faudra certainement un autre, le temps de patienter…Un immense merci à vous tous !

Fergusonnement